samedi 12 septembre 2009

Marie Calumet

Avoir pu, j'embarquais dans mon char pis j'montais à Québec assister au "Moulin à paroles" . J'y crois assez pour ça. Me suis contenté d'envoyer des écus hier soir pour compenser une petite partie de ce que Charest a refusé de contribuer pour cet événement artistiquement historique.
Ce matin, en prenant connaissance des textes qui seront lus, je me suis dit que j'y participerais autrement.
Comme quoi mes visites annuelles au kiosque de livres usagés au vieux quai de 7-Iles se répercutent à des moments inattendus, se trouve dans ma bibliothèque le livre de Rodolphe Girard, Marie Calumet. Un texte sur Marie Calumet sera d'ailleurs lu (ou chanté) au Moulin à paroles. Voici un extrait, du dit livre, qui décrit les contrats de mariage de l'époque.

"En l'an mil huit cent soixante, le vingt-huitième jour d'octobre.
"Par devant Maître Antoine Ménard, Notaire Public pour la Province de Québec, résidant et pratiquant en la paroisse de Saint-Ildefonse, ont comparu:
"Narcisse Boisvert, homme engagé de Monsieur le Curé Flavel, fils majeur issu du mariage de Feu Prosper Boisvert, cultivateur de Pain Sec, et de feue Dame Caroline Dubuc, aussi du même lieu, le dit Narcisse Boisvert agissant en son nom personnel.
"D'une part,
"Et Demoiselle Marie Calumet, de Sainte-Geneviève, fille majeure issue du mariage de feu Anathase Calumet, aussi du même lieu, et de feue Dame Sophie Cadotte, de Saint-Joseph-de-la-Tabatière, la dite Demoiselle Marie Calumet stipulant en son nom personnel,
"D'autre part,
Lesquels ont arrêté, ainsi qu'il suit, les conditions civiles de mariage projeté entre eux:
"Il y aura communauté de biens entre les futurs époux.............
-Narcisse, demanda le notaire en regardant par-dessus ses lunettes, donnes-tu un donaire à ta future?
-Oué, m'sieu le notaire.
-Combien?
-Quatre cents écus.
Le notaire écrivit:
"En considération de l'affection que le futur époux porte à la future, il lui fait par les présentes donation, ce qui est accepté par la future épouse:
"Premièrement,-D'une somme de quatre cents écus qu'il s'engage à payer et fournir à la future épouse en aucun temps après la célébration du dit mariage, soit par un seul soit par plusieurs versements au gré de la future épouse.
"Advenant la prédécès de la future épouse avant le paiement de toute ou partie de la dite somme, il est expressément entendu et convenu que le futur époux n'y sera plus tenu pour la partie qui sera alors due, la présente donation devenant caduque.
"Deuxièmement-....
-Y a-t-il un deuxièmement? s'enquit le notaire.
Narcisse et Marie Calumet se taisaient. Que voulait-il dire? Ils ne savaient pas.
-Oué, répondit le curé, y a un deuxièmement. Écrivez que j'voudrais faire une donation à ma fille engagère pour les services qu'a m'a rendus.
Le notaire écrivit:
"En considération et reconnaissance des services incalculables rendus par la dite demoiselle Marie Calumet au Révérend monsieur Flavel, curé de la paroisse de Saint-Ildefonse, le dit curé Flavel fait donation, pure, simple, irrévocable et en meilleure forme que donation puisse se faire et valoir à la dite demoiselle Marie Calumet, la dite donation consistant en.....
-Que donnez-vous? demanda le notaire en levant la tête de dessus son carré de papier.
Tous avaient les yeux tournés vers le curé, qui souriait avec malice et bonté. Sa ménagère, surtout, n'en pouvait croire ses oreilles.
Le curé commença:
-Une vache laitière que j'mengage à remplacer en cas de mort.
-M'sieu le curé! se récria Marie Calumet, ça vraiment pas d'bon sens!
Le tabellion écrivit:
"Une vache qui ne meurt pas.
-Un cochon d'un poids raisonnable, continua le curé.
-M'sieu le curé, vous y pensez pas!
"Un cochon raisonnable, griffonna le notaire.
-Une truie bonne pour la fécondation.
-M'sieu le curé!
Le notaire, sans s'occuper des exclamations réitérées de la donataire, répéta après le curé:
"Une truie qui rapporte.
-Douze poules.
-M'sieu le curé, vous êtes après vous ruiner! se récria la future mariée.
-Êtes-vous contents mes enfants?
-Ah! m'sieu le curé!
-C'est tout? demanda Maître Ménard.
Narcisse insinua en rougissant:
-Dites don, m'sieu le curé, si vous y mettiez le coq avec?
-Va pour le coq, dit le curé en riant de bon coeur.
"Douze poules dont un coq, ajouta le notaire.
On débattit encore quelques clauses du contrat, puis le notaire en fit la lecture complète......
Il termina:
"Et après lecture faite, les futurs époux ainsi que les témoins assistant à l'exécution des présentes ont signé avec le dit notaire.
(Signé) Marie Calumet
Narcisse X Boisvert
Jacques Flavel, Ptre Curé
Suzon Flavel
Antoine Ménard, N.P.
Narcisse ne savait pas écrire, il avait fait une croix.
Le curé avait signé pour lui. La signature du notaire était remarquable par son étourdissant paraphe et son incompréhensibilité. Enfin, comme c'est la coutume, le notaire embrassa la future, et le curé Flavel offrit un verre de vin de rhubarbe que l'on but au bonheur des héros du lendemain.
Extrait des pages 349 à 357 de Marie Calumet/Rodolphe Girard/Montréal 1904


En bonus:


Bon moulin à paroles.

5 commentaires:

Zoreilles a dit…

Hé que chu donc pas culturée... Quand j'ai lu ton titre, j'ai pensé à mon vieux chum Bernard qui chantait tout le temps Marie Calumet quand on veillait au feu... Je savais pas qu'elle était un personnage de notre histoire.

Et puis, j'ai vu la vidéo. C'était bien la chanson à Bernard. Sauf que lui, il chantait plutôt :

C't'en passant par les épinettes/Que Marie Calumet a pardu ses bobettes/C't'en passant tout le long du bois/Qu'y a kekun qui a trouvé ça, qui a trouvé ça, qui a trouvé ça...

Le Moulin à paroles... J'espère que je pourrai en voir des bouts dans les médias.

gaétan a dit…

C'est plus punchée avec la version de ton vieux chum :-)
les prestations passent en direct sur canoe

Jackss a dit…

Comment c'est charmant, Gaétan

J'ai lu et écouté deux fois. À mon tour, je suis heureux d'avoir su augmenter ma culture. Suave!

Il faudra bien que j'aille faire mon tour moi aussi au prestigieux centre de livres usagers de Sept-Iles.

gaétan a dit…

Des quelques heures écoutées en soirée du moulin à paroles, mes coups de coeur vont aux lectures des extraits de texte de Jean Bouthillette par Jack Robitaille, la merveilleuse Marie Gignac pour Le Survenant, Réveille chantée a cappella par Isabelle Cyr.
Lettre 1936 de Norman Béthune m'incite à vouloir en connaître plus sur ce médecin québécois.

gaétan a dit…

à la twitter...
Simonac de Speak white par JKYll...
Kuei kuei à Dominique Rankin pour son message de paix et d'amour.