Parfois je suis homme-cheval. Parce qu'on ne peut faire autrement. Parce que travailler la terre demande de l'effort. J'ai passé l'hiver à hennir dans une salle d'entraînement alors je peux bien hennir dans un champ. Ce n'est pas l'effort physique qui me répugne dans le travail. C'est l'injustice et le sentiment d'être exploité. Et puis travailler pour des gens passionnés de la terre et respectueux de la vie en général ça me stimule. Alors je ahan-ahan.
Quelquefois je deviens le Grand Faucheur. Assis derrière le volant du kubota 9540 et armé de 24 couteaux rotatifs je coupe, abats, ampute, sectionne, taillade, tranche arbrisseaux et autres végétaux dans les champs de bleuets. J'embraye le pilote automatique en première vitesse sur le mode tortue et m'assure que le moteur tourne à 2300 tours. J'avance alors à la lenteur extrême de 1.8 km/h surveillant la profondeur des couteaux et m'enlignant d'après la tranche déjà coupée. Il arrive qu'un moineau surgisse devant la machine, courant entre les branchailles et le foin, donnant l'impression d'un oisillon sans défense ne sachant pas voler et de se faire rattraper par la machine. Moi, au début, je me préparais à appliquer les freins. Toujours les moineaux ils finissaient par s'envoler, satisfaits de leur effet. Connaissant leur manège, il m'arrive maintenant d'appuyer légèrement sur l'accélérateur avant leur envol. Moi aussi j'aime jouer.
Je suis aussi laboureur de champs de fraises. Les roues du gros bélarus de chaque côté de la haie des plants, je retourne la terre pour déraciner, arracher, extirper les mauvaises herbes et exposer leurs racines au soleil pour qu'elles sèchent puis crèvent pour faciliter la cueillette de bonnes grosses fraises juteuses.
Je suis aussi une oreille pour quelques femmes de la gang. Mais ça c'est une autre histoire.
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