La lumière jaunit. Le contingent s’interroge, le flot hésite. Devinant le dénouement, une auto accélère, s’y risque, laissant derrière elle des peureux naturels, des pas pressés et quelques adeptes de la loi et de l'ordre. Les cercles rouges s’affichent avec célérité d’abord, avec autorité ensuite. L’interdiction d’avancer conclut une entente avec l’obligation d’arrêter. Des véhicules freinent brusquement, frustrés de l’échec de leur mission. Le flux est interrompu.
À mon tour de prendre possession des artères de la ville. Je cours, balais-éponges aux poings, au devant de ces prisonniers de la voie urbaine métropolitaine, ces otages des feux désynchronisés. Quelques atrophiés de l’âme achètent la paix sociale à coup d’écu. D’autres, les yeux globuleux, presque sortis de leurs orbites, se défoulent de leur trop vide émotionnel, vocifèrent des insanités, crient de ne pas toucher au symbole de l’accomplissement de leur vie.
À travers un pare-brise, je vois un album de photos. Impression de déjà-vu. Sur la couverture, le carré d’Youville. En arrière-plan la rue d’Auteuil menace de souvenirs douloureux mon adolescence baptisée par des queues graissées de marde.
Je crache sur le pare-brise de l’auto devant moi et ce n’est pas pour le nettoyer. Le type se fâche, s’égosille, s’époumone, hurle sa haine du monde. Peine perdue. Rugissements étouffés because le tintamarre de klaxons. Pas de temps à perdre. La lumière est verte. La cavalcade reprend. Je retourne me mettre à l'abri, craquer un caillou. Les autos s’éloignent mais mon souvenir, lui, s’attarde.
*texte sorti de mon terroir.
9 commentaires:
Man !
Et puis y avait la fourmi atomique.
Quelque chose d'indéfinissable, ce texte. Quelque chose d'irréel. Et de terrible aussi. Décidément, cette rue d'Auteuil abrite de ces souvenirs.
Quartier qu'étudiant-pensionnaire-chez-les-frères de Red Cap je fréquentais les fins de semaine il y a de cela 100000 ans :-))
Beau.
Ouch...
Un texte vivant, il a du souffle, il respire ! J'aime particulièrement le point de chute : les autos s'éloignent ... mon souvenir s'attarde. Belle image.
Un texte fort, ça, y a pas de doute. Une réalité qui fait mal cependant. Un désespoir presque assumé...
Merci. C'est un texte que j'avais envoyé pour le concours de recueil de textes de Botokap. Le thème devait porter sur la ville de Québec. N'a pas été choisi. Apporté petites modifications: narré au ''je'' pis ajouter le crakage de caillou....
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